D'ASNATGIA AU VILLAGE D'ERNAGE
Par l'abbé Joseph TOUSSAINT


I. LA GEOGRAPHIE  

La situation géographique et administrative

Ernage se trouve située à quatre km et demi de Gembloux, à six km et demi de Corbais et à cinq km de Sauvenière.
Elle est traversée, à peu près du Nord-Ouest au Sud-Est, par la route nationale 4 (allant de Bruxelles à la frontière luxembourgeoise par Namur, Marche, Bastogne et Arlon). Elle l'est également par l'importante voie ferrée internationale n° 162 (reliant Ostende à Milan).
Depuis la fin de l'ancien régime (survenue en principe le 1er octobre 1795) jusqu'au début de janvier 1965, Ernage constituait une commune du canton de Gembloux, dans l'arrondissement tant administratif que judiciaire de Namur.
Toutefois, durant la période de l'annexation française de notre pays, la province de Namur n'existait pas. Aussi, Ernage appartint-elle alors au département de Sambre-et-Meuse. Cette division gouvernementale comprenait quatre arrondissements (Namur, Dinant, Marche et Sain-Hubert), ainsi que vingt-six cantons. Elle était limitée au Nord-Ouest par le département de la Dyle, dont Walhain-Saint-Paul formait la commune la plus méridionale.
Au 1er janvier 1965, Ernage a fusionné avec Gembloux, Grand- Manil, Lonzée et Sauvenière. Elle servit ainsi à constituer la nouvelle commune de Gembloux, dont la durée aura été de douze années. De cette manière, elle avait retrouvé l'équivalent d'une situation connue par elle depuis le milieu du XIe s. jusqu'à la fin du XVIIIe s. Elle faisait, en effet, partie de la terre de Gembloux, élevée au rang de comté vers le milieu du XVIe s.
Depuis le 2 janvier 1977, elle est entrée dans la commune de Gembloux-sur-Orneau, créée alors, mais dénommée Gembloux à partir du 1er janvier 1980.

La graphie

Avant qu'un document de 1293 ne signale le nom d'Ernage, des textes latins ont fourni les formes Asnatgia ou Asntatagia (946), Asnatica (vers 1040 et en 1136), Esnatica (1136), Esnagia ou Estnagia (1213). La forme romane Esnage apparut entre 1194 et 1229.
Puis, se produisit au moyen âge un phénomène linguistique appelé rhotacisme : le r s'est substitué au s. Ainsi, dans les Rescrits des curés et des confrères du concile de Gembloux rédigés en 1511 se lit Ernagia.
Dans sa Topographie historique du Brabant wallon, parue à Amsterdam en 1692, l'Anversois Jacques le Roy nous livre les graphies Ernaige et Erfnage, employées de son temps.

L'étymologie

D'après la manière de voir d'Albert CARNOY en 1939, le nom d'Ernage proviendrait de la latinisation d'un nom collectif d'origine germanique, tiré d'ast et signifiant branche. On pourrait donc voir dans Ernage la «branchaie». Comme tel, ce nom est apparenté à ceux d'Assenois (arrondissement de Neufchâteau), d'Astene (arrondissement de Gand), d'Enines (arrondissement de Nivelles) et même à celui d'Esneux (arrondissement de Liège).
D'autre part, si l'on en croit Maurice BOLOGNE, dans la deuxième édition de son Petit guide des noms de Wallonie, parue en 1970, Ernage aurait la signification d'endroit sablonneux. Son nom serait à mettre en rapport avec le latin Arenaticum. Il serait analogue à ceux de deux localités françaises : Arnage (arrondissement du Mans, dans le département de la Sarte), et Larnage (arrondissement de Valence, dans le département de la Drôme). L'appellation romane daterait au plus tôt du sixième siècle, lors de la consolidation du pouvoir mérovingien dans nos régions. Mais Maurice Gysseling dans son Dictionnaire toponymique, paru en 1960, et Jules Herbillon, dans ses Notes de toponymie namuroise datant de 1977, rejettent l'explication de Bologne pour retenir celle de Carnoy.

La superficie et les limites

Ernage possède une superficie de 825 ha 7 a.
Elle est limitée au Nord par Walhain-Saint-Paul (sections de Perbais et de Walhain); à l'Est, par Sauvenière ; au Sud par Sauvenière, Gembloux et Cortil-Noirmont, à l'Ouest par Cortil-Noirmont.
Une grosse pierre marque la limite d'Ernage avec Walhain. Certaines cartes la mentionnent sous le nom de «Pierre».
D'autre part, au Sud, la chaussée romaine de Bavay à Tongres sépare de Gembloux le village, depuis sa pointe méridionale située à environ 600 m au nord-ouest de l'ancienne ferme de La Gatte jusqu'à la limite de Sauvenière. Puis, elle le distingue de Sauvenière sur environ 500 m.

Les lieux-dits

Parmi les lieux-dits d'Ernage, on relève :
- les Fonds du Village, situés le long du Ruisseau d'Ernage, jusqu'à Cortil.
- le Cerisier, au Nord-Ouest, entre Cortil et Walhain.
- Scavée, aux Fonds du Village, près de Noirmont.
- Delavaux, aux Fonds du Village, près de Cortil.
- le Paradis, sur la rive droite du Ruisseau d'Ernage, à proximité de Cortil-Noirmont.
- le Tri (Try) Masset, au sud de la chapelle de Notre-Dame des Affligés, depuis le chemin de la ferme de Sart-Ernage jusqu'à la voie ferrée du Luxembourg.
- la Croix, au sud du Tri Masset.
- Sart-Ernage, au sud du Tri Masset.
- l'Agasse (mot wallon signifiant Pie), le long de la chaussée romaine, à l'entrée de Gembloux.
- Ratint-Tot, à la limite de Gembloux et de Sauvenière.
- Diquet, à l'ouest de la Haute-Baudecet de Walhain.
- Petit-Pré, au Diquet.
- Haie Nicolas, à l'est d'Ernage, entre Diquet au Nord et Ratint-Tot au Sud.
- Quansia, au sud du Ruisseau de la ferme Deschamps.

L'altitude

Relativement élevé, le terrain d'Ernage est parsemé de collines.
L'altitude est d'environ 140 m à la sortie du Bayonbri vers Cortil-Noirmont ; de 148 au seuil de l'église ; de 165 m au Nord ; de 160 m à la ferme de Sart-Ernage ; de 167 m 50 plus au Sud, à proximité de Cortil-Noirmont et de l'ancienne chapelle du Vieux-Bon-Dieu de Gembloux ; de 160 m près de la ferme de l'Agasse ; de 168 m 75 à la Haie Nicolas, à l'ouest de la ferme de la Haute-Baudecet (Walhain) et au nord-ouest du Moulin Brabant (Sauvenière).

L'hydrographie

Ernage appartient au bassin de l'Escaut. Cette dépendance s'explique par sa situation. En effet, elle s'étend au nord de la ligne de partage des eaux (qui suit en principe la chaussée romaine formant la limite méridionale du village).
Le Ruisseau d'Ernage ou Bayonbri prend sa source à Ernage même, du côté de Diquet, au delà de la Nationale 4, il reçoit le Ruisseau de la ferme Deschamps, grossi du Diquet. Traversant l'agglomération dans une direction Est-Ouest, il passe aux Fond d'Ernage, avant d'entrer dans Cortil-Noirmont. Près du moulin de Cortil, il se jette dans l'Orne. (Les sources de cette dernière rivière jaillissent à Corroy-le-Château et l'embouchure se pratique à Court-Saint-Etienne dans la Thyle, un affluent de la Dyle).
Le Ruisseau de la ferme Deschamps prend naissance dans l'aire de cette exploitation agricole.
Son affluent, le Diquet, part d'au-delà de la chaussée de Wavre. Toutefois, certaines eaux de ruissellement proviennent des terrains situés au sud-est et à l'est d'Ernage, sur des plateaux étalés à une altitude variant entre 167 m 50 et 168 m 75. Elles appartiennent, en partie du moins, au bassin de la Meuse, par le truchement du Ruisseau de Baudecet, de l'Enée et de l'Orneau.

La géologie

Ernage fait partie de l'anticlinal de Brabant. Ce soulèvement de l'écorce terrestre s'est formé lors du plissement calédonien (Calédonie étant le nom primitif de l'Ecosse). Il s'est placé il y a quelque trois cent trente millions d'années, entre les périodes de l'époque primaire appelées l'Ordovicien et le Silurien d'une part, le Dévonien d'autre part. Les Ordoviciens étaient des Gallois. Lors de la conquête romaine du premier siècle de notre ère, les Siluriens formaient un peuple de la Galles méridionale, en Angleterre. Le Dévonien doit son nom au Devon, ancien comté du sud de la Grande-Bretagne. Naguère, l'Ordovicien était considéré comme une division du Silurien. L'anticlinal de Brabant (plissement en dos d'âne) rencontre le synclinal de Namur (plissement en creux) à Vichenet (Bossière). Les roches primaires de l'anticlinal de Brabant se décèlent dans le Cambrien (de Cambria, dans le pays de Galles), affleurant au nord de Gembloux, et dans l'Ordovicien, visibles sur les rives de l'Orneau à Grand-Manil.
Ernage appartient aussi à l'étage bruxellien de l'Eocène moyen (ère tertiaire).
L'ère tertiaire est apparue chez nous il y a quelques soixante cinq millions d'années. Elle comporte quatre séries, dont seule nous intéresse la première : l'Eocène. Ce nom provient de deux mots grecs, signifiant aurore et récent. Un de ses étages s'appelle le Bruxellien. Il s'est manifesté lors du plissement alpin. Alors, la mer recouvrait les deux Flandres, la section occidentale du Brabant, une partie du Hainaut et du Namurois. Elle déposa sur tout le sous-sol d'Ernage une épaisse couche de sable.
Cette roche est quartzeuse, décalcifiée et jaunâtre. Elle est munie de grès fistuleux altérés et fossilifères. Elle ressemble à celle exploitée à Mont-Saint-Guibert. Elle affleure sur la rive droite du Bayonbri, non loin de son confluent avec l'Orne. Généralement, pourtant, elle est recouverte par le limon hesbayen du Quaternaire inférieur ou diluvien, connu pour sa très grande fertilité.
Le Quaternaire a commencé il y a quelques deux ou trois millions d'années, lors de l'apparition de l'homme. La mer s'est alors retirée dans la région du nord-ouest de notre pays. Dans la Belgique continentale, les eaux sont d'abord torrentielles : elles creusent et approfondissent les vallées. Puis, elles se calment. Elles coulent dans des lits assez aplanis. Elles déposent les alluvions modernes. Il s'agit d'un limon, roche meuble, intermédiaire entre le sable et l'argile. Il s'étale sur le sable bruxellien.
Garni de cailloux à la base, le limon d'Ernage est soit jaune homogène, soit jaunâtre, présentant des bigarrures grisâtres. Des sondages effectués dans le nord du village ont montré qu'il pouvait atteindre jusqu'à treize mètres d'épaisseur. Ailleurs, il forme des couches d'un m (à la maison Joseph Deschamps), de trois m (près de la «Pierre»), de huit m (à proximité de l'Agasse).
Les alluvions modernes se rencontrent principalement dans les vallées du Bayonbri et du Ruisseau de la ferme Deschamps.

La population

Ernage comptait 216 habitants en 1801.
A partir de 1846, date à laquelle ont commencé des recensements réguliers, la population a subi certaines fluctuations, perceptibles grâce au tableau suivant :

ANNEE   HOMMES   FEMMES   TOTAL   MAISONS  
1846 459 407 866 158
1856 418 358 776 173
1866 420 371 791 175
1880 411 440 851 183
1890 427 428 855 187
1900 409 404 813 193
1910 426 426 852 215
1920 412 433 845 227
1930 418 433 851 232
1947 478 429 907 244
1960 387 441 828 260
1992 526 514 1040 368

On constate que pour une population moindre de 38 personnes en 1960 qu'en 1846, le nombre de maisons a augmenté de 102 !

La pédologie

Les sols limoneux et épais d'Ernage, propres à la Hesbaye, sont bien drainés naturellement. Leur fertilité les rend aptes à la grande culture des céréales et de la betterave sucrière.
Mais dans les vallées secondaires, assez nombreuses, des colluvions et des alluvions occupent les bords de la dépression. L'humidité y augmente à mesure que l'on descend jusqu'à l'axe de la vallée. Elle rend les terrains défavorables à la culture intensive. Elle en fait le domaine des prairies.

L'agriculture

La principale activité d'Ernage a été, dès l'origine, l'agriculture. Ne fait-elle pas partie de la plantureuse Hesbaye, située qu'elle est aux confins du Namurois et du Brabant, non loin du pays de Liège ? Sur une superficie de 825 ha, l'exploitation des champs prends 795 ha en 1834, 739 en 1959. Quant au nombre de «fermes», à de rares exceptions près, il ne cesse de s'accroître au cours des temps : 157 en 1846, 206 en 1866, 187 en 1895, 223 en 1929, 240 en 1950, 254 en 1959. Cependant, le personnel occupé dans la culture se chiffrait à 156 en 1846, à 245 en 1895, à 117 en 1929, à 109 en 1950. Le contraste entre l'augmentation de la quantité d'exploitations agricoles et la diminution du nombre de personnes employées par elles résulte surtout de la mécanisation de plus en plus grande dans la culture du sol.
Ernage comprend de nombreuses et importantes fermes. La plus grande de toutes, celle de Sart-Ernage, cultive 151 ha.
Trois autres exploitent respectivement 58, 53 et 50 ha. Huit possèdent de 38 à 20 ha.
Six de ces fermes sont situées chaussée de Wavre et trois rue Omer Piérard.

L'industrie

Essentiellement agricole, Ernage n'a guère connu d'industries. Cependant, la coutellerie y est apparue presque en même temps qu'à Gembloux, vers 1740.
A la fin du siècle dernier, quelques entreprises artisanales occupaient au maximum quatre personnes. Elles fabriquaient des sabots, des chaises, etc.
En 1937, Ernage comptait deux établissements spécialisés dans la confection du matériel chirurgical. L'ensemble fournissait du travail à une trentaine de personnes.

Les grandes voies de communication

Deux chaussées, se croisant à proximité d'Ernage, furent commencées sous le régime hollandais. La première, la Nationale 4, relie Bruxelles à Arlon et au-delà. La seconde, la Nationale 21, va de Tirlemont à Charleroi.
Ernage fut atteint par la voie ferrée du Luxembourg en 1854.


II. L'HISTOIRE

A. LA PREHISTOIRE ET L'ANTIQUITE

Les temps préhistoriques

On a découvert dans des champs d'Ernage un fragment de hache polie et une pointe de flèche en silex. Il n'est donc pas impossible que sur l'emplacement de l'actuel village se soit trouvée une piste parcourue par des gens du Néolithique. La forêt couvrait alors le territoire : une preuve en est fournie par les noms mêmes d'Ernage et surtout de Sart-Ernage. Or, les premiers hommes occupant la région gembloutoise et ses environs avaient besoin d'immenses étendues de chasse autour, notamment, de leur centre de Beuzet et de leur grotte de Spy.

L'époque gallo-romaine

On ne pourra jamais assez souligner l'importance stratégique, économique et culturelle de la grande chaussée romaine, reliant la mer au Rhin, par Boulogne, Bavay, Tongres, Maastricht et Cologne. Due au général Agrippa (63-12 avant J.-Ch.), elle reprenait partiellement au moins, en l'élargissant et en l'améliorant considérablement, une ancienne piste gauloise. On l'appelle parfois, mais erronément, la chaussée Brunehaut. En effet, cette reine d'Austrasie des VI-VIIs. ne fut pour rien dans sa restauration médiévale.
Grâce à cette voie incomparable et à ses nombreuses bifurcations (dont l'une, passant par Baudecet, reliait Namur à Rumst), les Ernageois purent se déplacer facilement. Ils bénéficièrent de l'apport de produits étrangers. Ils connurent les grands événements internationaux et les courants d'idées. Ils furent évangélisés.
Mais il ne retirèrent pas que des avantages de la chaussée romaine. A cause d'elle, ils subirent au cours des siècles de très nombreux va-et-vient de troupes, avec tous les méfaits que cette circulation comprenait.
Bien qu'Ernage s'élève en bordure de cette ancienne artère, on n'y a pas encore mis au jour, pas plus qu'à Gembloux d'ailleurs, des vestiges de villas, analogues à celles de Penteville, à Grand-Manil, et d'Arlansart, à Sauvenière.
Cependant, des photos aériennes, prises à l'aide d'un filtre aux rayons infrarouges, ont montré la présence de deux sites circulaires. Aurait-on ainsi décelé la trace de tumuli ? Des fouilles pratiquées à ces endroits pourraient seules confirmer ou non cette hypothèse.
D'autre part, de la monnaie romaine a été trouvée dans un jardin. Ajoutons ici une considération concernant la «grosse pierre» d'Ernage, située aux confins du Brabant et du Namurois.
Il existe à Thorembais-Saint-Trond, en bordure du chemin de Malèves (à la rencontre des deux Thorembais et de Perwez), une mégalithe en grès landenien supérieur, de 1 m 35 de hauteur (dont émergent seulement de la terre 75 cm) et présentant une largeur variant de 40 à 50 cm. Ce menhir, peut-être pierre de sacrifice aux temps préhistoriques, a servi de pilori au cours de la période moderne : en 1666, une sorcière y aurait été attachée avant d'être brûlée vive.
D'autre part, à la limite d'Orp-le-Grand et de Pellaines, un pont est jeté sur le Ruisseau de la Bacquelaine, un affluent de la Petite-Gette.
Enfin, une «longue pierre» subsiste à Racour, dans le canton de Landen (province de Liège).
Or, ces quatre vestiges d'un lointain passé se présentent en ligne droite (azimuth 50°). Seraient-ils des jalons de l'antique itinéraire sacré menant au «mont de Mars», situé à proximité de Racour ?

B. LE MOYEN AGE

La villa d'Ernage

La première mention d'Ernage se rencontre dans la charte que le futur empereur Otton 1er, alors encore uniquement roi des Germains, octroya le 20 septembre 946 à l'abbaye bénédictine de Gembloux. Il y est stipulé que dans la villa d'Ernage, le chevalier Wicbertus (le futur saint Guibert) a donné à ce monastère tout ce qu'il possédait à titre personnel, sauf un demi-manse qu'il a accordé à sa soeur (Reynuilde). S'ajoutaient à ce don les propriétés de Robert d'Anger, de Fulcond, d'Emmon et d'Héricinde.
A proprement parler, la villa est une grande exploitation agricole. La plupart de celles que nous rencontrons dans nos régions au Xe s. remontent selon toute vraisemblance à l'époque romaine. Tout près d'Ernage d'ailleurs, comme nous l'avons dit, s'élevaient au temps des césars deux villas dont l'existence est garantie par les textes ou par les fouilles archéologiques : Penteville (à Grand-Manil) et Arlansart (à Sauvenière). La proximité de la grande chaussée romaine explique sans peine la présence de ces fermes dans le terrain limoneux, particulièrement fertile, de la Hesbaye.
La villa était d'une étendue variable. Généralement elle atteignait les cinquante ha. Elle était composée de deux parties bien distinctes. La première était le domaine réservé au propriétaire. Elle contenait sa maison, ses granges, ses écuries et ses étables, les terres qu'il exploitait à l'aide de ses serfs domestiques, placés sous le commandement d'un intendant (le villicus). On l'appelait le manse seigneurial. L'autre partie était composée de manses serviles, comprenant un principe une étendue de terres qu'une famille parvenait à exploiter et dont le produit devait suffire à sa subsistance. Les colons logeaient dans des masures : d'où le nom de masuirs que l'on rencontre plus tard dans les textes à leur sujet. Ils dépendaient totalement du seigneur. Outre des redevances en nature, ils devaient lui fournir de prestations plus ou moins abondantes. C'est ainsi qu'au moment de la moisson, ils travaillaient dans les champs du manse dominical, avant de s'occuper de leur propre récolte.
La villa comportait, en outre, des pâtures et des bois. Leur usage par les colons était réglementé par la coutume.
Saint Guibert (Wicbertus en latin) était un chevalier lotharingien. Il naquit, peut-être à Gembloux, vers 892. Suivant les moeurs du temps, il commença par servir sous les armes. Il fréquenta la cour d'Otton Ier. En 922, il aurait, semble-t-il, renoncé à la milice séculière pour mener une vie d'ermite sur ses terres. Vers 940, il fonda à Gembloux, dans sa villa, un couvent bénédictin, qu'il plaça sous le patronage de saint Pierre. A cet effet, il fit appel à un ami, l'ancien chanoine Erluin, devenu moine à Gorze en Lorraine, où la vie régulière fleurissait depuis la réforme de ce monastère en décembre 933. Erluin se fit accompagner à Gembloux par quelques-uns des ses confrères. Saint Guibert le préposa à l'abbaye nouvellement fondée par lui. Ayant lui-même revêtu l'habit des disciples de saint Benoît, il se retira à Gorze, où il mourut le 23 mai 962.
Des précisions concernant la villa d'Ernage nous manquent, tant pour sa situation et son importance que pour sa population.
On peut pourtant penser légitimement qu'elle occupait l'emplacement du centre actuel du village. En tout cas, la première ferme mentionnée dans les textes est celle du Vaulx. Elle était bâtie à proximité de Cortil. Elle existait encore au dix-huitième siècle, mais elle a disparu de nos jours. Son nom est évoqué par celui de la «Campagne Delvaux». Quant à Sart-Ernage, il a dû apparaître plus tard : l'époque des grands défrichements, qu'indique la première partie de son nom, se place surtout aux XIIe et XIIIe siècles.
Le fait que la villa primitive d'Ernage ait été partagée entre un certain nombre de propriétaires semble montrer que sa superficie dépassait la moyenne. On peut le supposer aussi en considérant que saint Guibert avait fait cadeau à sa soeur Reynuilde d'un demi-manse. Il ne pouvait pas décemment lui donner un domaine trop restreint.
Enfin, pour évaluer le chiffre de la population d'Ernage au milieu du Xe s, considérons la villa de Soye. Cette exploitation agricole, située sur le Jodion (un affluent de la rive gauche de la Sambre), comprenait en 964 quarante-deux serfs corvéables à merci. De toute manière, les colons d'une villa à l'époque du fondateur de l'abbaye de Gembloux ne pouvaient pas être nombreux, car alors nos régions étaient fort peu peuplées.
Mais avant de s'éloigner définitivement du couvent qu'il avait fondé, saint Guibert avait tenu à régler juridiquement son existence et à lui assurer la protection royale. A cet effet, il s'était adressé au roi des Germains, Otton 1er (936-972), de qui la Lotharingie dépendait. Il en obtint une charte, datée de Liège, le 20 septembre 946.
Suivant l'usage diplomatique alors en vigueur, ce document retraçait les péripéties de la fondation de l'abbaye de Gembloux. Il confirmait à cette institution religieuse la possession de toutes ses propriétés. Il accordait à ses membres de nombreux privilèges.
Nous ne possédons que des copies de cette charte. La première en date est d'ailleurs de choix. Elle émane de l'illustre moine Sigebert. Cet historien, le plus grand du moyen âge, l'a transcrite vers 1070 dans son ouvrage intitulé Gesta Abbatum Gemblacensium («Actes des abbés de Gembloux»), dont le manuscrit original est conservé dans la Bibliothèque du Sénat à Leipzig. Tel qu'il nous est présenté, le texte du diplôme de 946 a été manifestement altéré dans un sens fort favorable aux bénédictins gembloutois. Mais sa teneur concernant la villa d'Ernage ne donne lieu à aucune suspicion.
Les biens-fonds dont le monastère gembloutois avait été doté par saint Guibert sur ses biens propres et surtout sur ceux que lui avait donnés à cet effet son aïeule Gisèle si situaient grosso modo dans quatre régions : Gembloux et son voisinage, le Gâtinais français, la Meuse limbourgeoise, la contrée rhénane au sud-est de Mayence. Dans le pays de Gembloux s'étendaient les villas de Gembloux, de Bouffioux (à proximité de la route de Gembloux à Penteville), d'Ernage, de Sauvenière, la moitié des villas de Walhain et de Cortil, ainsi qu'un manse à Villers. Pour ce qui concerne ce dernier domaine, sa localisation donne lieu à des divergences de vue suivant les auteurs. S'agit-il de Falnuée à Mazy, appelée dans les textes médiévaux Villers-sur-Orneau ? ou de Hévillers ? Qui le dira avec certitude ?
L'abbaye de Gembloux s'empressa de se défaire des propriétés trop éloignées de son centre. Elle chercha à en acquérir dans son voisinage, plus particulièrement dans la hesbaye brabançonne ou liégeoise.

La construction des remparts de Gembloux

Au cours de l'ancien régime, l'histoire d'Ernage est en grande partie fonction de celle de Gembloux. Pourrait-il d'ailleurs en être autrement, quand la localité faisait partie de la terre, puis du comté de Gembloux ? Elle en a donc connu les heurs et les malheurs.
En 1153, semble-t-il, commença la construction des remparts de l'ancienne villa. Tous les manants de la terre de Gembloux durent y contribuer à l'appel du maïeur ou villicus. Ils charrièrent des pierres et des autres matériaux à pied d'oeuvre.
En retour, ils trouvèrent à l'intérieur des fortifications un abri aux heures de danger, pour eux-mêmes et pour leurs biens.

Les pertes de 1185

Toutefois cette protection tourna au désastre en 1185. Cette année-là, par représailles contre son ennemi le duc de Brabant, Henri l'Aveugle, comte de Namur (1139-1196), vint assiéger Gembloux. Tout en y provoquant l'incendie, il ne réussit pas à s'en emparer.
Comme les murailles, les tours et les portes restaient solides, le duc de Brabant Godefroid III (1147-1190) intima l'ordre à ses sujets habitant les environs de Gembloux d'aller entasser dans la petite place forte leurs objets et d'y parquer leurs animaux.
Mais le comte de Namur revint, accompagné de son neveu Baudouin V, comte de Hainaut (1171-1195). Cette fois, il opéra une brèche dans les remparts. Ses soldats se livrèrent à un pillage en règle. Ils se vantèrent d'avoir emporté un butin aussi riche que s'ils avaient dévalisé une grande ville.

Les exactions de l'avoué

Comme toute institution ecclésiastique, l'abbaye de Gembloux possédait un avoué, chargé de défendre ses possessions et ses personnes. Ce protecteur était le duc de Brabant. Mais le prince déléguait ses pouvoirs à un sous-avoué. Ce fut tout d'abord le sire d'Orbais, puis celui de Walhain.
Malheureusement, ces avoués inférieurs outrepassèrent souvent leurs droits. Il leur était dû annuellement dans chaque village de la terre de Gembloux un denier, une poule et un setier d'avoine par maison. Ils cherchaient à obtenir d'avantage et, dans ce but, ils molestaient les habitants. Plus d'une fois, le duc de Brabant dut les rappeler à l'ordre.

La taille et le service militaire

En tant que souverain du Brabant, le duc possédait dans toute la terre de Gembloux, comme dans chacune des seigneuries de sa principauté, deux droits imprescriptibles: la taille et le service militaire. La taille était un impôt direct, frappant les revenus. Dans la terre de Gembloux, elle était levée par les officiers de l'abbé. Le service militaire - l'ost et la chevauchée suivant le langage du temps - s'accomplissait sous l'étendard de Gembloux et la conduite du maïeur. Ni pour la perception de la taille, ni pour l'organisation du ban, l'avoué ne possédait le pouvoir, bien qu'il ait cherché maintes fois à s'en assurer.
Wenceslas de Luxembourg, duc de Brabant (1355-1383), avait voulu obtenir la maîtrise de la route Maastricht - Cologne. A cet effet, il entra en guerre contre les ducs de Gueldre et de Juliers (1372). Il fut vaincu à la bataille de Basweiler et constitué prisonnier. Pour subvenir aux frais de sa campagne et de sa rançon, il eut recours à une contribution de la part de ses sujets. En 1374, on recensa à Ernage trente-neuf personnes susceptibles de payer pendant trois années la somme annuelle d'au moins un mouton d'or pour répondre à l'attente du prince.

Un passage d'armée en 1408

Ainsi que nous l'avons signalé, la chaussée romaine livrait fréquemment passage à des armées. Ce fut le cas en 1408.
Dans la principauté de Liège, l'évêque Jean de Bavière, soutenu par les papes de Rome Innocent VII (1404-1406) et Grégoire XII (1406-1409), était opposé à l'élu du peuple, Thierry de Hornes, un chanoine de dix-huit ans, fils du seigneur de Perwez et sacré par le pape d'Avignon, Benoît XIII (Pierre de Lune , 1394-1423).
Il fit appel à son cousin, Jean sans Peur, duc de Bourgogne, et à son frère, Guillaume IV, comte de Hainaut.
Les milices hennuyères suivirent la chaussée romaine. A l'aller et au retour, elles passèrent donc à proximité d'Ernage. Ont-elles été à charge des habitants ? Nous l'ignorons, mais les habitudes de l'époque nous le font croire.
La bataille se déroula à Othée, le 23 septembre 1408. Les troupes liégeoises furent vaincues. Le seigneur de Perwez et son fils restèrent au nombre des victimes.

Les exploitations agricoles au XV s

Les premiers comptes de l'abbaye de Gembloux parvenus jusqu'à nous datent de 1459. Mais, depuis quelque temps déjà, le monastère de Gembloux avait renoncé à exploiter lui-même la plupart de ses propriétés. Il les transférait à d'autres moyennant la constitution de rentes à son profit, ou, pour parler un langage contemporain, contre un fermage, un loyer. C'est ainsi qu'en 1435, la cense du Mont à Ernage avait été cédée par Jean-Lancelot de Walhain, abbé et seigneur de Gembloux (1421-1440), contre une rente de quatorze muids de seigle. Mais la notice fournie à ce propos nous laisse dans l'ignorance par rapport à la situation de cette cense, à son étendue et au bénéficiaire de l'aliénation.
La plus grande partie des recettes et des dépenses de l'abbaye de Gembloux relevaient de la dignité abbatiale (c'est-à-dire étaient placées sous le contrôle direct de l'abbé). Il s'agissait notamment du produit des fermages et des dîmes, des frais d'entretien des religieux, du personnel et des bâtiments.
Les comptes de cet office furent établis par Mottin Bucquet pour la période s'étendant du 30 novembre 1458 au 29 novembre 1459. Ils sont fort laconiques. Voici quelques renseignements qu'on peut y glaner à propos d'Ernage.
- Collart, le métayer de Vaux-Ernage, a livré au monastère de Gembloux 26 muids de seigle, plus 12 muids dus sur ses obligations de l'année précédente. Il a racheté pour son compte 33 muids. Il n'a donc transporté dans les granges de l'abbaye que 5 muids.
- Jacquemin, le fermier de Sart-Ernage, levait également la dîme de Cortil. Il devait fournir à la dignité abbatiale 10 muids de froment, 70 de seigle et 60 d'avoine. Le receveur lui reporta à l'année suivante la livraison de 14 muids de seigle et de 15 muids d'avoine ; par contre, il reçut le paiement d'une dette de 24 muids de seigle.
Les premiers comptes de la dignité abbatiale de Gembloux conservés après 1459 concernent l'année économique 1470-1471.
Ils sont dus à un moine, damp Evrard de Retompré. Plus explicites que ceux de Mottin Bocquet, ils n'en présentent pas moins de graves lacunes. Relevons ce qu'ils nous apprennent à propos d'Ernage.
- Le monastère gembloutois percevait dans cette localité des cens. C'était une redevance que le possesseur d'une terre ou d'une maison payait au seigneur. Malheureusement pour nous, le produit des cens d'Ernage est additionné, sans aucune spécification, avec ceux de Gembloux, de Cortil et de Sauvenière.
Le total des cens payés à la Saint-Jean-Baptiste pour ces quatre localités était de 194 vieux gros 6 deniers. Un vieux gros valait environ 22 deniers. Un sol contenait 12 deniers et un livre 20 sols.
Quant aux cens récoltés à la Noël (25 décembre), ils étaient évalués en argent et en chapon. Pour les quatre entités, ils s'élevaient à 338 vieux gros et 2 plaques, d 'une part, à 50 1/2 chapons, d'autre part. Au total, ils fournissaient à l'abbaye 37 livres 6 1/2 deniers. Mais à cette somme, il faut tout d'abord ajouter 18 sols 8 deniers dus par le percepteur de ces cens, Jean Adam, d'Ernage, depuis l'année précédente. Puis, en retrancher 1 livre 4 deniers, en raison d'une dette que ce receveur laissait s'accumuler depuis douze années.
- Pour ces deux rentes, Jean de Mons, d'Ernage, a donné à l'abbaye de Gembloux les quatre muids de seigle qu'elles comportaient.
- Quant au fermier de Sart-Ernage, il s'appelait Antoine Pattin.
Il était également le percepteur de la dîme de Cortil. Mais une fois de plus, les comptes de la dignité abbatiale ne font pas de distinction entre les redevances pour la cense et ses obligations en qualité de dîmeur.

Le bail de Saux-Ernage en 1498

Le 1er mai 1498 prit cours un bail de douze années, conclu le 15 mars, par Jean d'Yttre, abbé et seigneur de Gembloux (1495-1500), ainsi que par son couvent, avec Mathy de Taviers. Il concernait la cense des Saux à Ernage, c'est-à-dire la maison, le labour, des terres à la campagne et à la ville, des prés, des bois et des pâturages, avec toutes leurs dépendances.
Les conditions de cette localité furent mises par écrit une nouvelle fois le 11 mars 1501. L'abbaye de Gembloux venait de passer par une période de crise aiguë. Elle commençait à se ressaisir. Une des tâches qui s'imposait alors à elle, était de mettre de l'ordre dans la gestion du domaine et les finances.
Aussi, le 11 mars 1501, le fermier et le prieur Gilles Patinier, mandataire du couvent pendant la vacance du siège abbatial, se présentèrent-ils devant la haute cour de Gembloux, composée du sous-maïeur Jean d'Yttre et des échevins. Ils reprirent le texte de l'accord primitif.
Bien que le bail soit conclu pour douze ans, le propriétaire pourra le rompre après neuf ans et le locataire après six ans.
Les terres étant restées en friche, aucun paiement ne sera exigé pour elles la première année. A partir de la Saint-André (30 novembre) 1501, le loyer sera de 30 muids de seigle, mesure de Gembloux (soit un peu plus de 245 litres au muid), durant trois années. Il passera à 33 muids pour les années 1504 et 1505, à 38 muids au cours des dernières années du bail. Le blé devra être livré dans les granges du monastère. Si le fermier élève des abeilles ou sème de oléagineux, il aura à en payer la dîme.
A l'expiration du bail, les terres seront ensemencées de la manière suivante : 24 bonniers de seigle à Chenial ; 24 bonniers de blé de printemps (les «marsages») à Wythaigne et 24 bonniers laissés en jachère. C'est ce que le texte appelle les mains aux blés, aux «marsages» et aux «gissières».
Là où sont semés les blés d'hiver, les terres seront labourées quatre fois ; deux fois, aux endroits destinés aux semailles de printemps.
Les pailles et les produits des pâtures doivent être convertis en fumiers. Ces engrais sont à mener sur le terrain aux frais du fermier : ceux d'hiver en mars, ceux d'été avant la Saint-Jean-Baptiste (24 juin).
Tous les trois ans, le censier pourra couper à son profit les saules et les peupliers. Mais il devra les remplacer au double par de jeunes arbres de la même espèce.
Il entretiendra les toitures, les murailles de torchis, les crèches, les râteliers, les chariots et les piquets. L'abbé lui fournira les poutres, notamment celles qui sont requises pour la remise en état des ponts et des fossés. Chaque année, le fermier utilisera huit cents bottes de chaume pour les réparations des édifices. Il fournira aux ouvriers la nourriture, le salaire incombant à l'abbé de Gembloux. D'autres matériaux sont-ils nécessaires pour la conservation de la cense, comme des pierres, des bois, de la terre, de la chaux, du sable, le prélat les prendra à sa charge, mais le censier ira les chercher à ses frais.

C. LES TEMPS MODERNES

Le dénombrement des foyers en 1496


En 1496, un dénombrement de foyers eut lieu dans la terre gembloutoise. Il fut opéré à Ernage le 23 juin par le maïeur de Gembloux, Jean d'Ittre, accompagné de deux maîtres de la table du Saint-Esprit (le bureau de bienfaisance de l'époque). Il se trouvait alors dans le village cinq maisons habitées par des gens aisés et neuf par des pauvres. En outre, le curé était propriétaire de sa demeure. Enfin, l'abbaye de Gembloux exploitait deux vignobles dans la localité.

La guerre franco-espagnole

A partir de 1542, la paix de la terre de Gembloux commença à être troublée. Elle le resta longtemps. En effet, la guerre avait éclaté entre la maison de France et celle d'Espagne. Elle se déroula à de nombreuses reprises dans nos principautés, ardemment convoitées par François Ier (1515-1559) et par ses successeurs, surtout par Louis XIV (1643-1715).
En 1554, sous le règne de Henri II (1547-1559), les Français occupèrent l'Entre-Sambre-et-Meuse, ainsi que le Hainaut. Le Brabant wallon fut le théâtre de leurs incursions. Commandés par Philibert-Emmanuel de Savoie, auquel Charles-Quint avait confié ses armées, les impériaux établirent leur camp à Gembloux. Ce furent des attaques et des contre-attaques. Au cours de ces combats, la cense de Sart-Ernage fut incendiée, tout comme la ferme de la Marcelle située au nord de Gembloux, le moulin de Cortil et l'église de Mellery. De leur côté, les troupes impériales causèrent également bien des dégâts dans la terre gembloutoise. En raison de ces désastres, des fermiers se virent dans l'impossibilité de payer leur location.

Les guerres de religion

Puis, ce furent les guerres de religion. Plus d'une fois des bandes calvinistes infestèrent le pays de Gembloux. Il est à croire qu'Ernage, pas plus que les autres entités du comité de Gembloux, ne fut à l'abri de leurs dévastations.
Le 31 janvier 1578, l'armée des Gueux fut vaincue par celle de don Juan d'Autriche devant la porte d'En-Haut de Gembloux. Un grand nombre de mercenaires au service des Etats généraux fuirent vers Wavre et même vers Bruxelles. De ce fait, ils passèrent par Ernage.

Les guerres de Louis XIII

Après un répit momentané sous le gouvernement des archiducs Albert et Isabelle, les hostilités reprirent. Le vieil antagonisme franco-espagnol en fut la cause.
Dès 1635, le maréchal de Luxembourg, à la tête des troupes de Louis XIII (1610-1643), envahit nos principautés. Les habitants de la terre de Gembloux eurent à loger des officiers et des soldats, à répondre à des réquisitions de toute nature. Les charges militaires, comme les autres, étaient partagées entre les localités de son ressort par le magistrat de Gembloux. Dans les villages, les jurés imposaient chaque chef de famille suivant ses possibilités. Mais comment garder en pareilles circonstances une stricte équité ? Les répartitions donnèrent lieu à bien des réclamations !
En 1645, les Ernageois adressèrent une supplique à Gaspard Bensel, abbé élu de Gembloux (1636-1650), pour pouvoir engager les propriétés communales sises du côté de Noirmont et sur lesquelles le monastère gembloutois recevait un cens de douze deniers par an.
Comme le fait ne nous est connu que par une brève notice dans l'Inventaire des archives de l'abbaye de Gembloux, nous ignorons la raison de cette opération financière. Mais nous ne croyons pas nous tromper en y voyant une conséquence de guerres dont nous venons de parler. Ne 'agissait-il pas de pallier par cette mesure les désastres dus aux passages des armées ?

Les guerres de Louis XIV

Après Louis XIII, ce fut Louis XIV (1643-1715) qui attaqua l'Espagne dans les Pays-Bas méridionaux. En 1667, il prit prétexte, pour envahir nos principautés, de la revendication de la dot de sa femme, l'infante Marie-Thérèse. En juillet, il occupa Gembloux. Les campagnes situées aux environs de la ville subirent de graves préjudices par suite de passages de troupes.
En 1672, les Français visèrent à la conquête de la Hollande. Dans leur marche vers Maastricht, ils utilisèrent la chaussée romaine. Située en bordure de cette route stratégique, Ernage souffrit du va-et-vient des armées. Ils semble pourtant qu'elle pâtit moins que Sauvenière. La terre de Gembloux fut frappée de contributions exorbitantes. Chaque habitant du comté dut en supporter le poids suivant ses ressources.
Rainiac était également un Belge. Mais, après avoir été au service de l'Autriche, il passa à celui de la France. C'est ainsi qu'on le retrouve à Gembloux en qualité de capitaine recruteur. Grâce à des promesses alléchantes, il y engageait des soldats pour le régiment Saint-Martin-Legros, que le colonel Albert Legros formait alors. Ce fils du seigneur d'Incourt et gendre du seigneur de Nil-Saint-Martin devait devenir républicain. Il fut pris pars les Autrichiens le 17 août 1793 et fusillé comme traître. La Convention nationale décréta que son nom serait gravé sur une colonne du Panthéon.
A présent, nous pouvons revenir aux événements proprement gembloutois.
Le soir du 3 février 1793, Cobus et Evrard firent sonner la cloche et annoncer de porte à porte par un sergent urbain que le lendemain, à 9 h du matin, se tiendrait une assemblée du peuple sur la place du Marché (l'actuelle place de l'Hôtel de Ville). Aussi, au jour, à l'heure et à l'endroit indiqués, non seulement les citadins, mais aussi des habitants du comté et même des étrangers attendirent-ils l'arrivée des nouveaux maîtres de Gembloux. Ce ne fut que vers les 10 ou 11 h que Cobus, Evrard et quelques officiers descendirent la rue de Croix (notre Grand-Rue). Ils étaient accompagnés de la troupe : les soldats, mis sous les armes dans la cour d'honneur de l'abbaye, se rangèrent en bataille sur la place. Evrard harangua la foule. Il l'assura qu'il lui apportait la Liberté et l'Egalité. Voulant prouver la justice de la nation française, il déclara qu'un de ses gens, voleur d'une poule, serait puni comme s'il avait prix dix mille livres ! Après quoi, imitant Cobus, il se retira vers l'église paroissiale Saint-Sauveur. Le peuple le suivit. Cobus, Evrard et deux officiers occupèrent le choeur. De la balustrade placée à l'entrée du sanctuaire, Cobus lut les décrets de la Convention nationale concernant le régime à établir dans notre pays. Il menaça ceux qui tiendraient encore pour l'ancienne constitution de les faire mener à Bruxelles, pieds et poings liés, pour y être exécutés comme rebelles. Il demanda ensuite de lever la main gauche, pendant qu'il prononcerait lui-même le serment relatif à la Liberté et à l'Egalité. Mais, comme personne n'avait bougé, il déclara que le peuple était séduit par les grands, les riches, les prêtres, surtout par les nobles et par le haut clergé. Il bafoua la maison d'Autriche. Puis, il répéta son serment, sans plus de résultat. Sur le conseil d'Evrard, il relut les décrets de la Convention et pour la troisième fois, il prêta serment, aussi inutilement que précédemment. Evrard usa dès lors d'une autre tactique. Il invita qui le désirait à parler librement. Sur ce le greffier expliqua les droits du peuple brabançon. Il déclara que la Liberté et l'Egalité prônées par les Français n'étaient qu'un piège dangereux.
Ensuite, à la demande de l'orateur tous les Gembloutois déclarèrent vouloir non seulement vivre et mourir dans la religion catholique, mais garder la constitution du pays. En fait, Dury ne faisait que se conformer au Manifeste adressé par Dumouriez aux Belges de Valenciennes le 26 octobre 1792 : «Nous entrons (sur votre territoire) pour vous aider à planter l'arbre de la Liberté, sans nous mêler en rien de la Constitution que vous voudrez adopter ». Le peuple gembloutois, au surplus, demanda qu'acte fût dressé de la décision qu'il avait prise. Ce document, rédigé le jour même, fut signé par le bailli-maïeur, les échevins et le greffier.
Revenons-en aux faits dont l'église paroissiale fut le théâtre. Cobus voulut faire saisir Dury par les soldats d'Evrard. Aussitôt des Gembloutois offrirent au greffier un rempart de leurs corps. Furieux plus que jamais, le commissaire républicain hurla qu'il reviendrait avec dix mille baïonnettes pour introduire dans la ville rebelle le «système français».
Le mardi 5 février, une proclamation émanant de l'occupant fut criée à Gembloux et affichée dans diverses localités du comté. En substance, elle menaçait la bourgade et les villages d'incendies et de contributions, si n'étaient pas admise la souveraineté française. Elle dénonçait «les émissaires perfides soudoyés par les anciens despotes» comme fauteurs de leur ruine. Ne voulant que le bonheur du peuple, elle lui laissait la religion catholique. Elle l'invitait à une nouvelle réunion le lendemain, au son de la cloche.
Dans la nuit du 5 au 6, la maison du greffier fut investie par la troupe, mais Dury avait pris la fuite. Un notable fut arrêté dans sa demeure et conduit à la grand-garde de l'abbaye.
Le matin du 6, de nouvelles personnalités furent arrêtées et menées au monastère. Parmi elles figurait le bailli-maïeur : il réussit à s'évader.
Dans l'après-midi, la troupe entoura l'église paroissiale. Des soldats furent postés, armes chargées, devant le maître-autel. Cobus renouvela ses exhortations au peuple. Il subit des protestations : un des opposants fut conduit à la grand-garde.
Le récit du greffier se poursuit de la sorte : «Cobus fit avancer le parti formé pour le système français, composé de quinze à vingt individus, de ce qu'il y a de plus bas et vil à Gembloux, ayant à leur tête le nommé Linoy ... Cet homme croyant voir le moment de jouer un rôle extraordinaire, se présenta le premier pour le système français, prêta serment et fut déclaré dans le moment maire de Gembloux».
Des détails complémentaire nous sont fournis par le procès-verbal de l'élection de la nouvelle municipalité, approuvé par Cobus. Les voici. Après une prestation générale de serment - opérée par les gens restés dans l'église - il fut procédé par acclamation à la formation d'un bureau chargé de diriger les mises aux voix. Le président en fut Charles Linoy ; les secrétaires-scrutateurs, Hubert, Maître Jean et B.-C. Henderichs. On en vint alors au scrutin.
- L'avocat Charles Linoy fut élu comme maire (45 suffrages).
- Le tanneur Joseph Desaunois, premier officier municipal et procureur de la commune (45 suffrages).
- François Cizaire, sans doute un parent de Jérôme-Joseph Cizaire, meunier-fermier de Bedauwe à Grand-Manil, deuxième officier (35 suffrages).
- Henri Jemormare, troisième officier (26 suffrages).
- Bernard Deprez, artisan coutelier, quatrième officier (23 suffrages).
- Gilles Tilmant, cinquième officier (15 suffrages).
- Gilles Rousseau, artisan coutelier, sixième officier (15 suffrages).
- Jean-Baptiste Taquin, peut-être un parent de Paul Taquin, meunier de Dessous-le-Mont, septième officier (12 suffrages).
Puis, ce fut ce que l'on a appelé la guerre de Dévolution. Louis XIV prétendit avoir droit à une partie du Brabant. En 1692, il s'empara de Namur, qu'il perdit en 1695.
La terre de Gembloux essuya quelques attaques en 1689, sans trop de gravité. Mais de 1691 à 1696, elle fut presque constamment harcelée par le passage de troupes, aussi bien françaises qu'alliées. Elle connut de ce fait des pillages, des dévastations, des contributions, des logements militaires. Elle dut accorder des présents aux officiers supérieurs. Certains de ses habitants furent même blessés.
Le 7 juin 1693, l'armée française, séjournant aux environs de Gembloux, se dirigea vers Jodoigne. Les paysans fuirent dans les bois, emmenant avec eux leurs animaux. Les champs furent piétinés et ravagés ; les grains et les foins, incendiés. Le 29 juillet, le maréchal de Luxembourg battit Guillaume d'Orange à Neerwinden (dans le canton de Landen).
En 1697, les campagnes présentaient l'aspect de la plus grande désolation. Les mendiants avaient augmenté en nombre considérable. Des bandes de hors-la-loi se livraient au brigandage sur les routes. Afin de veiller à la sécurité générale, on fut obligé de placer des guetteurs dans les clochers, d'organiser des patrouilles, d'abriter meubles et bétail, d'abattre les taillis le long des chemins, de pendre les voleurs par groupes aux arbres.
La guerre connut une nouvelle recrudescence en 1701. Elle dura douze ans. Les champs ne purent être cultivés comme il le fallait. Un certain nombre d'entre eux retournèrent à l'état de «trys» ou de genêtières. Le rude hiver de 1709 causa bien des dégâts. En 1711, les souris s'attaquèrent aux moissons. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que le comté de Gembloux se trouvât à bout de souffle !

La guerre de Succession d'Autriche (1746)

Une chaude alerte eut lieu en 1746, lors de la guerre de Succession d'Autriche. Les troupes de Louis XV (1715-1774), sous le commandement de Maurice de Saxe, campèrent à Walhain. Elles défirent les alliés aux Cinq-Etoiles (Thorembais-Saint-Trond). Dans toute la terre de Gembloux, il s'ensuivit des mouvements militaires, entraînant réquisitions et vexations de diverse nature.

La haine des censes (1766)

En 1766, le brigandage et la criminalité augmentèrent dangereusement. Les jurés des villages de la terre de Gembloux s'en plaignaient tout autant que le magistrat de la ville.
Puis, on se tint sur le qui-vive à cause des crimes de «la haine des censes». Certains fermiers n'obtenaient pas le renouvellement de leur bail. Pour se venger, ils incendiaient des fermes, ils détruisaient des plantations et se livraient à des excès de tout genre.

La Révolution brabançonne (1789)

En octobre 1789 éclata la Révolution brabançonne contre l'empereur Joseph II (1765-1790). Comme les autres localités du comté de Gembloux, Ernage logea des patriotes et concourut à des livraisons en leur faveur.

Linoy, chef-maire de Gembloux (1793)

Dans les signes suivantes, nous voudrions exposer longuement ce qui arriva à Gembloux en février et en mars 1793, non seulement parce que, selon toute vraisemblance, des Ernageois furent témoins des événements consécutifs à la première occupation française de la ville en cette fin du XVIIIe s., mais surtout parce qu'un Ernageois de naissance, Charles Linoy, devint alors chef-maire de l'ancien comté de Gembloux. Nous en profiterons pour suivre cet étonnant personnage dans sa carrière mouvementée, pour autant du moins que des renseignements nous sont parvenus à son sujet.
La Relation de ce qui s'est passé à Gembloux depuis le 3 février 1793 jusqu'au 27 mars de la même année nous a été livrée par Charles-Antoine-Joseph Dury, greffier de la cour et de la ville de Gembloux depuis le 18 avril 1764. Elle a été imprimée en trois cents exemplaires à Louvain par P. Corbeels en avril 1793. Le manuscrit original et l'épreuve corrigée par l'auteur reposent aux Archives de l'Etat à Namur.
Le père Bruno Lefebvre, S.J., en a fourni la publication en 1912 et en 1922.
L'occupation de Gembloux en 1793 était une conséquence du triomphe remporté par Dumouriez (Charles-François du Périer, 1739-1829) : vainqueur à Valmy sur les Prussiens de Brunswick, le 20 septembre 1792, ce général français avait battu à Jemappes, le 6 novembre 1792, les Autrichiens de Clerfayt. La Belgique fut alors rapidement conquise par lui.
Dans l'après-midi du 3 février 1793 (dimanche de la Sexagésime), pénétrèrent dans Gembloux : 1° N. Cobus, commissaire du Pouvoir exécutif belge et français, accompagné d'un secrétaire ; 2° le lieutenant-colonel Evrard, à la tête d'environ cent cinquante volontaires wallons ; 3° quelques dragons français. Ils se firent loger en ville par le magistrat : le bailli-maïeur Joseph Liboutton (nommé à cette charge par l'abbé-comte Colomban Wilmart, le 15 décembre 1792), les échevins J.-A de Becquevort, J.-J. Berger, J.-Fr. Wilmet, A.-D. Winand, M.-J. De Savoye, et le greffier C.-A.-J. Dury.
Faisons tout d'abord connaissance avec les trois protagonistes.
Tout comme Charles Linoy, dont nous aurons à parler abondamment, N. Cobus était avocat au Souverain Conseil de Brabant. Il se trouva au nombre des quatre-vingts représentants provisoires élus à Bruxelles, le 18 novembre 1792, en la collégiale de Saints-Michel-et-Gudule. (Cette élection avait été patronnée par la «Société des Amis de la Liberté, de l'Egalité et de la Souveraineté du Peuple»). En 1794, notre personnage joua un rôle peu glorieux dans la confiscation des nombreux livres de la bibliothèque de l'abbaye de Gembloux, trouvés par les soldats républicains dans diverses fermes du monastère. Mais au début de 1793, son rôle comme commissaire civil de la ville libre de Bruxelles était de procéder à des élections en vue de former de nouvelles municipalités dans les bourgs et les villages du Brabant wallon. Beau-frère de Linoy, Evrard était un officier de l'armée autrichienne. Il s'était compromis avec les Patriotes lors de la Révolution brabançonne. Aussi, après le retour dans nos principautés des troupes habsbourgeoises, s'était-il exilé en France. Il s'y était engagé dans le deuxième régiment belge. Plus tard, comme l'atteste un document en la possession de ses descendants habitant Walhain-Saint-Paul, il changea son nom en Evilard.

L'exercice de la justice

Bien que la haute cour de justice de Gembloux possédât juridiction sur toute la terre (ou comté) de Gembloux, l'abbé-seigneur nommait un sergent différent pour Cortil, Ernage, Gembloux, Lonzée et Sauvenière. Ce garde-champêtre recevait annuellement, au milieu du XVIII s., trente-quatre setiers de seigle. Le setier, sixième partie du muid gembloutois, équivalait sans doute à une trentaine de litres, mesure rase. La valeur du seigle était variable. Elle se payait en 1790 vint sol ou une livre argent de change, soit sept florins courants de Brabant (ce florin correspondait à 1 Fr 81 or).
C'était le 5 janvier que l'abbé-seigneur de Gembloux signait la nomination des magistrats de sa terre (ou comté). Le lendemain, après la grand-messe de l'Epiphanie, en son nom de bailli-maïeur (nommé à vie) proclamait les nouveaux magistrats, parmi lesquels figuraient les jurés désignés pour les villages (Cortil, Ernage, Grand-Manil, Liroux, Lonzée et Sauvenière).
Ces officiers conseillaient les échevins gembloutois dans l'administration de la communauté locale, dont ils prenaient les intérêts en main. Mais ils étaient tenus à l'écart de l'exercice de leur juridiction. A eux pourtant revenait la répartition des diverses sortes d'impôts entre les contribuables de leurs entités. Habituellement, la communauté villageoise les élisait.
Mais il n'en était pas ainsi dans la terre de Gembloux, où le prélat-seigneur - habitué à l'obéissance totale de ses moines ) entendait que toute autorité émanât directement de lui. C'était encore le jour des Rois qu'étaient désignés de semblable façon les receveurs des offices pieux dans ces mêmes localités. Ils avaient à s'occuper du temporel de l'église, de la table des pauvres et éventuellement de l'hôpital érigé rue del Croix (la Grand-Rue) à Gembloux.
Bourgeois ou manants de la terre de Gembloux, les chefs de famille d'Ernage devaient, en principe du moins, assister aux plaids généraux tenus à Gembloux à l'occasion des fêtes de l'Epiphanie, de Pâques et de Pentecôte. Ces assemblées populaires étaient appelées à résoudre des problèmes graves, par exemple, en matière politique, lors d'un désaccord entre l'abbéseigneur et le magistrat ; dans les questions financières, quand il s'agissait d'envisager une dépense extraordinaire, de contracter un emprunt ou de soutenir un procès, etc. Mais souvent les chefs de famille pouvaient se faire représenter par leurs délégués, notamment par leurs jurés.
Au milieu du XVIII s. les crimes et les délits étaient fréquents dans le comté de Gembloux, comptant alors quelques 4.300 habitants. Ils résultaient des longues guerres, des disettes et des divers fléaux qui avaient ravagé le pays. L'abbé Jacques Legrain (1957-1790) prit toutes les mesures voulues pour faire respecter l'ordre et triompher les vertus chrétiennes. Il publia de nombreuses ordonnances, telles celles relatives aux cabarets. Il veilla à la bonne tenue des écoles, dont presque toutes les localités de son compté étaient munies.
A titre d'exemple, nous donnons ici le bref récit de trois meurtres commis dans Ernage, Grand-Manil et Gembloux en l'espace de quelques mois.
Le 19 août 1759, vers 20 h, en présence de plusieurs personnes, un Ernageois, Jean Alexandre, fut tué. Le meurtrier, connu par la rumeur publique, fut arrêté le 25 août. Mais les témoins du drame étaient étrangers au comté de Gembloux. Ils n'obtempérèrent pas à l'ordre de citation émané du tribunal. L'affaire traîna en longueur et on n'en connaît pas l'épilogue.
Ce meurtre était arrivé moins d'un an après celui dont fut victime, le 10 novembre 1758, Anne Gilson. Cette femme de François Petit avait été maltraitée par Charles Portier, de Grand-Manil. Elle en mourut le 7 décembre. Le 11 septembre 1760, la haute cour condamna l'agresseur au bannissement du comté de Gembloux pour vingt-cinq ans et aux frais de justice. En décembre, Portier implora la grâce de l'abbé-comte. Jacques Legrain lui remit la première de ses peines, à condition qu'il s'acquittât de la seconde (11 novembre 1760).
Le 10 mars 1759, une Gembloutoise commit un infanticide. Le 27 août, elle fut condamnée au bannissement perpétuel et aux frais de justice.
En 1716, le drossart (officier judiciaire du Brabant avait fait saisir de corps à Ernage deux personnes. Aussitôt, l'abbé-comte de Gembloux protesta auprès du conseil de Brabant à propos de l'atteinte ainsi portée à ses droits de haut justicier. On ignore quelles étaient les personnes arrêtées et pour quel motif. D'autre part, nos sources ne nous disent pas non plus quel fut le prélat protestataire : Arnoul de Merts, mort le 29 février 1716, ou son successeur, Pierre Dumonceau, élu le 16 août de la même année.

Les biens de l'abbaye de Gembloux à la fin de l'ancien régime

Dans la spécification des biens de l'abbaye de Gembloux établie en 1759 par le proviseur Charles Jaupain, il est déclaré que ce monastère possédait à Ernage :
- la cense du Sart, de 130 bonniers 240 verges, louée à Louis-Joseph Higuet, et rapportant annuellement 670 florins 7 sols en argent, 200 setiers de froment, 200 de seigle et 200 d'orge.
- la cense du Village, de 14 bonniers 236 verges, d'un rapport annuel de 145 florins.
- une terre de 12 bonniers, louée pour 120 florins.
- une terre de 8 bonniers 165 verges, dont la location s'élevait à 84 florins.
la grosse dîme du village, donnant 1.345 florins
la menue dîme, adjugée pour 140 florins
des rentes rapportant 38 florins 10 sols et 273 setiers de seigle.
- des cens, fournissant 21 florins 7 sols 1 denier et 4 chapons à 7 sols, plus quatre
setiers un quart d'avoine.
D'autre part, les charges étaient :
- la compétence annuelle du curé d'Ernage : 350 florins
- la réparations de la cure : 449 florins.
Depuis 1759 jusqu'à 1791, bien des modifications avaient été apportées à ces comptes :
La cense de Sart-Ernage était louée à la veuve de Pierre-Joseph Everarts, nièce de l'abbé Jacques Legrain (1759-1790). Sa superficie était passé à 148 ha 43 a. Le «rendage» était fixé en nature et en argent. Il consistait, d'une part, en 100 setiers de seigle et en 200 setiers d'orge d'hiver ; d'autre part, en 1.408 florins, auxquels s'ajoutaient 3 souverains doubles (valant chacun 17 florins 17 sols ou en monnaie d'or 32 Frs 39) accordés pour les étrennes de l'abbé, et 5 écus (de 3 florins 5 sols 4 deniers). Il faut encore y joindre 9 florins de cens et de rente.
En 1791, le revenu des dîmes était singulièrement plus avantageux qu'en 1759. En effet, la grosse dîme rapportait 2.325 florins, la menue dîme 150 florins.
En 1796, le monastère gembloutois recevait de madame de Bosman, veuve Raulet, d'Ernage, 153 setiers de seigle, soit 229 florins 10 sols.
La même année, le rendement total de la cense du Sart, y compris les dîmes, les cens et les rentes, était de 1.788 florins. On peut comparer ce revenu à celui d'autres possessions de l'abbaye gembloutoise : Beauvechain donnait alors 2.126 florins 6 sols ; Coninsart 1.518 florins 10 sols ; Cortil 1.911 florins, Enée 2.143 florins 19 sols ; Liroux 2.166 florins 6 sols ; Mont-Saint-Guibert 438 florins ; Nil-Saint-Martin 1.555 florins ; Penteville 1.825 florins ; Sauvenière 1.745 florins.

Le domaine d'autres couvents

Sous l'ancien régime, l'abbaye bénédictine de Gembloux n'était pas la seule institution ecclésiastique à posséder des biensfonds à Ernage.
Nous avons signalé les bois détenus au XII s. par le monastère cistercien de Villers-La-Ville.
De son côté, le prieuré des Augustins d'Oignies (Aiseau) y était propriétaire de quelque 18 bonniers de terres et de prés. Le 3 mars 1506, en présence de l'échevinat de Gembloux, il accorda cet ensemble en bail emphytéotique à Toussaint Déloyaux, contre une rente annuelle de sept muids de seigle.
Cependant, à la fin de l'ancien régime, il n'y avait plus à Ernage en fait de possessions ecclésiastiques que
- 207 bonniers 1 journal aux mains de l'abbaye de Gembloux ;
- une maison de cure, d'où dépendait un bonnier de terre et prairie.
- 5 bonniers 4 journaux possédés en terre et prairie par l'église de la localité.

Le régime français

A la suite de l'annexion de nos principautés à la France, prononcée le 1er octobre 1795, Ernage devint une commune dans le canton de Gembloux. En 1800, le maire en était Joseph-Melchior Tordoir. Mais dès 1797, un agent municipal avait été élu pour recevoir les déclarations d'état civil : Théodore Linoy. En 1808 apparut comme maire Maximilien-Joseph Everarts. Il resta à la tête de la commune sous le régime hollandais et même après la proclamation de l'indépendance belge en 1830.

La vente de Sart-Ernage comme bien national (1797)

Après la suppression de l'abbaye de Gembloux, rendue effective le 11 octobre 1796, les biens-fonds du monastère furent nationalisés et vendus aux enchères. L'annonce de leur mise à prix était établie par une affiche spéciale. Celle concernant la cense de Sart-Ernage le fut par la 13e affiche, n° 2. Cette exploitation agricole comprenait alors le corps de ferme, des granges, des écuries, des étables, 124 bonniers 20 verges en terres labourables, jardins, prairies et vergers situés à Ernage. Le bail des Everarts était établi jusqu'au 30 avril 1803. L'acheteur aurait à supporter les frais d'estimation, d'affiches et autres, s'élevant à 308 livres 5 sols.
L'ouverture des enchères eut lieu le 19 prairial an V (7 juin 1797) à 10 h du matin. Elle se pratiqua sur la base de 102.300 livres, soit quinze fois le revenu de la cense. Mais, comme c'était souvent le cas en ces circonstances, personne ne se présenta pour majorer le prix. La séance définitive d'adjudication se plaça le 29 prairial (17 juin 1797) à 10 h du matin.
Parmi les acheteurs éventuels figurait, comme à bien des ventes d'immeubles et de terres dans la région, Alexandre Asseline, fondé de pouvoir du financier de Douai et Paris, Jean-Baptiste Paulée (qui avait déjà acheté l'abbaye de Gembloux et devait acquérir celle d'Argenton le 26 juillet). Les enchères furent telles qu'on dut allumer vingt-deux feux avant qu'elles ne se terminent. L'adjudication se réalisa alors pour 302.500 livres en faveur de François-Joseph Akermann, de Namur, fondé de pouvoir d'un ex-religieux, Charles Blondeau. Cet ancien cistercien de Grandpré (Mozet) demeurait alors à Florée (non loin de Spontin).
Il était connu pour ses idées «avancées». Il voyait surtout dans l'achat de Sart-Ernage la possibilité de placer non seulement les bons de retraite qu'il avait reçus, comme tous ses confrères, à la suppression de son couvent (15.000 livres), ainsi que ceux acquis auprès d'autres religieux, mais encore des effets de la dette publique, obtenus alors à une valeur réelle ne représentant que le dixième, voire beaucoup moins encore, de la valeur nominale. De toute manière, Blondeau ne resta pas longtemps propriétaire de Sart-Ernage. La cense fut acquise plus tard par un rentier d'Anvers, Jean-Baptiste De Bruyn, que le cadastre signale comme possesseur de ce bien en 1812 et en 1825.

La vente des autres biens noirs (1797)

Outre la cense de Sart-Ernage, d'autres biens noirs ont été vendus par le gouvernement français en 1797. Ils appartenaient soit à l'abbaye de Gembloux, soit à l'Eglise ou à la cure d'Ernage.
Tout d'abord, voyons ceux de l'abbaye de Gembloux :
- Des terres, d'une étendue de 10 bonniers 2 journaux, furent achetées conjointement par deux cultivateurs de Sart-Ernage, Jean-Pierre Noiret et Catherine Legrain. Alors que ces biens avaient été estimés à 10.500 livres, l'Etat n'en reçut que 8.799 livres (1.575 en numéraire et 7.224 en bons divers).
- Sept bonniers furent acquis pour 1.460 livres par Pommier, financier de Paris. Ils avaient été estimés à 3.360.
- Quatorze et demi bonniers de terres et de prairies ont trouvé acquéreur auprès de Bernard Delvigne, homme de loi, à Namur. Leur valeur d'appréciation était de 8.800 livres. Ils ont été payés 4.140 livres.
- Vingt-quatre bonniers un journal de terres et prairies, cotés officiellement 17.460 livres, ont été cédés pour 2.619 livres en obligations à Bernard Laterrade, négociant de Saint-Omer.
Considérons à présent les biens de l'église et de la cure d'Ernage :
- Cinq bonniers deux journaux trente-six verges de terres, appartenant à l'église d'Ernage, ont été vendus pour 1.913 livres à Marie Gérondal, fermière à Ernage.
- Emmanuel Drion-Zoude, négociant à Namur, acquit 6 bonniers 3 journaux 50 verges de terres de la cure d'Ernage, pour 3.594 livres.
- Quant au presbytère, il a été acheté par J.-G. Mercier, de Namur.

Les fiefs

Au milieu du XVIIIe s., l'abbaye de Gembloux possédait à Ernage deux fiefs.
Le premier n'était guère important. Il ne comprenait que deux bonniers de terre, étendus du côté de Baudecet. Il était détenu par Henri d'Orneux.
Le second consistait dans la cense nommée Laloux. Cette ferme, disparue de nos jours, exploitait 50 bonniers 3 journaux. Elle était en la possession d'une béguine, du nom de Le Jeune, résidant au Grand Béguinage de Louvain. Ces fiefs, comme tous ceux de l'abbaye de Gembloux situés aux environs d'Ernage, ne rapportaient guère de bénéfices au suzerain. Le principal résidait dans le droit de relier, perçu en cas de changement de vassal.

Dom Basile Godard

Il convient de parler à présent de Dom Basile Godard. Ce bénédictin gembloutois était originaire de Saint-Vaast-lez- Binche. Né en 1734, il était entré dans l'abbaye Saint-Pierre, élevée sur la rive gauche de l'Orneau, vingt ans plus tard, sous l'abbatiat d'Eugène Gérard (1739-1758). Après la suppression de son monastère, en 1796, il trouva refuge chez la fermière de Sart-Ernage, la nièce de l'abbé Jacques Legrain (1759-1790), Catherine Legrain, veuve de Pierre-Joseph Everarts (qu'elle avait épousé en 1782). Mail il ne cacha pas à qui voulait l'entendre ses sentiments défavorables aux acquéreurs de biens noirs. Aussi s'attira-t-il le courroux du nouveau propriétaire de l'exploitation agricole qui l'abritait : par une lettre adressée à sa locataire, Francois-Joseph Ackermann le mit en demeure de partir sans retard. Dom Basile abandonna donc le poste de précepteur des enfants qu'il occupait à Sart-Ernage, pour se retirer dans son village natal.

Le vandalisme des Prussiens en 1815

Les 15 et 16 juin 1815, veille et jour de bataille de Ligny, ont laissé aux Ernageois un souvenir pénible. Pour échapper aux Prussiens, le plus souvent ivres, les femmes devaient se cacher. Les vols et les réquisitions furent en nombre élevé. Il portaient sur les animaux, la nourriture, la boisson, le linge, les vêtements, les ustensiles de ménage, l'argent, les bijoux, le bois de chauffage ... Le soldats brisèrent des portes, des fenêtres, des meubles. Dans l'église, ils prirent des objets pour plus de 503 florins.

Les logements militaires

A partir de 1839 et dans les années suivantes, Ernage dut fournir de nombreux logements à des troupes belges de passage. Le bourgmestre de Gembloux fixait le contingent militaire devant
faire étape dans le village. Ce furent, le 11 mai 1839, environ cent permissionnaires du 12e régiment de ligne ; le 22 juin 1839, de 250 à 260 hommes, commandés par cinq ou six officiers (deux compagnies) ; le 19 mars 1842, cent miliciens de la levée de 1840.

L'émigration au Wisconsin

Des communautés de réformés, établies à Wavre et aux environs, entreprirent de 1853 à 1856 une intense propagande en faveur de l'émigration au Wisconsin. Ils ventaient la totale liberté de culte existant dans ce pays neuf. Surtout,il faisaient miroiter aux yeux de gens pauvres la possibilité d'y réaliser une rapide fortune. Beaucoup de Hesbignons s'en allèrent là-bas, sans espoir de retour. Ils y fondèrent d'ailleurs de petites villes et des villages, dans lesquels ils conservèrent leur dialecte wallon. Nous ignorons le nombre d'Ernageois qui s'expatrièrent de la sorte.

La situation en 1830

Voici ce que dit à propos de l'agriculture à Ernage vers 1830 Philippe Van de Maelen dans son «Dictionnaire géographique de la province de Namur», paru en 1832 : «Les terres sont ensemencées de froment pour la majeure partie ; le reste est cultivé en seigle, orge, avoine, pois, féveroles, trèfles et colza. On récolte assez de fourrages pour la consommation. Les pommes de terre, les carottes et les navets sont cultivés en grand. On recueille peu de pommes et de poires. Le territoire est dépourvu de bois. Il y a six fermes et plusieurs moyennes exploitations. Quelques parties de terrain ne peuvent être cultivées avec succès, à cause de leur humidité ; on les laisse en pâturages. Le fumier est le principal engrais ; on se sert aussi de chaux et de cendres de tourbes pour amender les terres. La série des récoltes n'est point interrompue.»

Les chaussées et la voie de chemin de fer.

De 1830 à 1859, trois faits d'une importance économique considérable ont marqué la vie d'Ernage. Ce fût, tout d'abord, la construction de deux chaussées, se croisant à proximité de notre localité. La première est la grand-route reliant Bruxelles à la frontière luxembourgeoise par Namur, Marche, Bastogne et Arlon. Elle a été commencée sous le régime hollandais. La seconde relie Tirlemont à Charleroi. Elle aussi a trouvé son origine sous le règne de Guillaume 1er.
Ensuite, ce fut l'établissement de la ligne de chemin de fer du
Luxembourg. Ernage fut atteinte par elle en 1859. Grâce à Gembloux elle est reliée à Tamines par voie ferrée et de nos jours, à de nombreux centres par des autobus (dont beaucoup ont remplacé des trains ou des trams à vapeur).

Les épidémies

Ernage n'échappa pas aux épidémies régnant à diverses reprises dans la région gembloutoise au cours du dix-neuvième siècle.
C'est ainsi que de novembre 1846 à septembre 1847, 72 personnes y furent atteintes du typhus, soit près d'un dixième de la population.

La guerre de 1914-1919

Les troupes allemandes entrèrent dans Ernage le 20 août 1914.
Comme la localité était suffisamment éloignée des forts de Namur, que de plus, elle n'était pas directement située sur la chaussée de Tirlemont à Charleroi menant les envahisseurs vers la Sambre, elle eut moins à souffrir du passage des armées que 'autres anciennes communes de l'entité gembloutoise.
Durant toute la durée de la guerre, elle n'eut pas à déplorer de tués parmi les civils. Elle ne subit pas non plus d'incendie. Mais elle paya sa part en réquisitions.
Cependant, quelques faits mémorables sont à signaler pour cette période troublée.
Ce fut, tout d'abord, l'établissement à Ernage aux confins de Gembloux, de l'institution que l'on a appelée «Les Enfants martyrs». Il s'agissait d'un home pour des garçons, dont les parents étaient morts ou ne remplissaient pas leurs devoirs à leur égard. En 1916, onze d'entre ces enfants furent confirmés dans l'église de Gembloux. D'autres auraient pu l'être, si l'on avait pu se procurer à temps leur certificat de baptême.
Le 22 novembre 1916, cinquante-huit Ernageois furent déportés en Allemagne pour y travailler.
Enfin, en février 1917 arrivèrent à Ernage près de deux cent cinquante réfugiés français. Ils venaient de Pinon (arrondissement de Laon) et d'Allemant (arrondissement de Soissons), dans l'Aisne.
Le premier dimanche d'octobre 1919 fut bénite la plaque commémorative placée dans l'église en souvenir des Ernageois victimes de la guerre.

La guerre de 1940-1945

Ernage se trouve au centre des opérations militaires menées à la mi-mai 1940. Déjà le vendredi 10 mai, jour d'ouverture des hostilités, l'aviation allemande bombarde la région gembloutoise. Elle s'en donne à coeur joie durant la matinée de la Pentecôte, le 12. Pendant le sermon prononcé au cours de la grand-messe à Ernage, la plupart des paroissiens sont pris de panique à cause du bruit des explosions toujours plus proches de l'église. Ils s'empressent de rentrer chez eux. Vers 16 h, trois bombes aboutissent près de la voie ferrée et cinq à proximité de la nationale 4. Elles tuent un colonel français, un soldat belge et une civile liégeoise. Elles blessent grièvement six soldats français et un enfant de choeur.
Le lundi 13, des combats se déroulent à une quinzaine de km à l'est du village. Les exodes des habitants se multiplient en direction de la France. Aux environs de 16 h, des troupes françaises, battues du côté de Perwez, refoulent vers Ernage. D'autres y arrivent. Un officier intime aux civils l'ordre d'évacuer l'agglomération, car trente mille soldats coloniaux vont tenter d'y arrêter l'offensive allemande. Et de fait, la première division marocaine achève de prendre position à Ernage et à Beuzet.
Dès l'aube du 14, les bombardements harcèlent les Marocains. Mais les liaisons entre leurs diverses compagnies sont loin d'être parfaites. Sur plusieurs centaines de mètres, de part et d'autre du pont de la Croix, une zone reste sans couverture. Les Allemands on tôt fait de s'en apercevoir. Vers 10 h quelques-uns de leurs chars s'introduisent par cette brèche dans Ernage. Ils sont refoulés au-delà de la grand-route. A 16 h, l'ennemi reprend l'offensive. Il perd huit de ses quarante chars. A 21 h, le général Albert Mellier, commandant des forces françaises, ordonne de dynamiter les deux ponts enjambant la voie ferrée, à Ernage et à l'entrée de Gembloux.
Le 15 mai, à 6 h 30, l'infanterie française lance une attaque. Elle est appuyée par des chars, deux heures plus tard. Mais la compagnie tenant le sud d'Ernage demeure isolée. A 18 h, elle est constituée prisonnière, elle ne compte d'ailleurs plus qu'une douzaine d'hommes. D'autre part, la ferme de Sart-Ernage est en flammes. Malgré tout, le bataillon marocain résiste à la poussée allemande, dont la virulence ne diminue qu'à partir de 20 h.
Mais déjà dans la nuit du 12 au 13 mai, l'ennemi avait franchi la Meuse entre Dinant et Houx, ainsi qu'à sedan. Aussi, par crainte qu'elle ne soit prise à revers, la division marocaine reçut-elle l'ordre de se replier sur Tilly-Marbais.
Commencés le mardi 14 à 10 h, les combats avaient duré jusqu'au 16 à midi. Ils constituèrent la première résistance sérieuse que les Allemands aient rencontrée depuis leur entrée en Belgique. Mais le bilan en avait été très lourd.
A Ernage, toutes les maisons avaient été atteintes, d'une manière ou d'une autre. Pour sa part, l'église fut frappée par deux obus. Dans l'agglomération, des trous béaient environ tous les cent m². On s'était battu de rue à rue, de maison à maison. Les cadavres de cent cinquante-deux animaux (des chevaux et des vaches) restaient mêlés à ceux des gens. Les Français avaient perdu quelque 2.500 officiers et soldats, peut être même 3.000. Les Allemands au moins 5.000.
Les envahisseurs creusèrent dans le bois de Buis un four crématoire, où ils brûlèrent leurs morts ; mais ils enterrèrent quelque 400 officiers supérieurs. Après l'enlèvement des combattants, on trouva encore dans les campagnes les cadavres de 74 Français et de 36 Allemands. Des dix-sept Ernageois restés dans le village, trois furent tués.
Cent et dix-sept militaires français, tombés pour la plupart le 15 mai, furent enterrés à Ernage.
Un capitaine et quarante-neuf soldats, morts à Gembloux, le plus grand nombre était des tirailleurs marocains.
Un chef de bataillon, deux capitaines et cinquante-quatre soldats ou gradés, appartenant au deuxième tirailleur marocain. Ils furent tués à Ernage.
Six homme du premier tirailleur marocain, tombés à Sauvenière. Quatre du premier régiment d'infanterie coloniale, succombés à Grand Manil.
Actuellement un grand cimetière réunit à Chastre toutes ces victimes de la guerre.
Terminons ce bref exposé des événements tragiques de la mi-mai 1940 par quelques considérations.
Les combats de Gembloux (Ernage-Beuzet) avaient été précédés de ceux de la Petite-Gette, le 12. Opheylissem, Merdorp, Jandrain, Perwez et d'autres localités avaient servi de champ de bataille. L'avance triomphale et rapide des Allemands provenait surtout de la supériorité écrasante de leur aviation.
Les chars de combat français étaient supérieurs à ceux des Allemands, mais ils ne s'en trouvait pas à Ernage. Il n'y avait là que des chars destinés à soutenir l'action de l'infanterie. Quant aux chars de combat allemands, ils avaient été conçus par des ingénieurs français et fabriqués en Tchécoslovaquie. Après quatre jours de combat, la quatrième Panzerdivision avait été décimée. Elle ne fut reconstituée que deux ans plus tard.
Puis, ce fut l'occupation, avec son cortège de privations, de vexations et d'angoisses.
Le 6 juin 1944, les alliés débarquèrent en Normandie. Le 1er septembre dans le Tournaisis. Le 4, un de leurs détachements pénétra dans Fleurus. Les 600 Allemands cantonnés dans Gembloux allèrent à sa rencontre. Ils l'obligèrent à une retraite momentanée. Le 5, une vingtaine de chars américains partirent de Chastre dans la direction de Gembloux, sans parvenir jusque là. Des S.S. («échelons de protection» de l'armée hitlérienne) s'installèrent à Ernage. Ils disposaient de quatre canons. Mais dès le soir, ils refluèrent vers Gembloux. Durant la nuit, les Allemands casernés dans cette bourgade firent sauter les ponts du chemin de fer et s'enfuirent vers les Ardennes. Le 6 septembre, Ernage était aux mains des vainqueurs.

LA PAROISSE

La fondation


Nous ignorons quand la paroisse d'Ernage est devenue totalement indépendante de celle de Gembloux. Primitivement, elle relevait entièrement de Saint-Sauveur. En 1241, une certaine autonomie lui fut accordée sous le pontificat de Grégoire IX (1227-1241), l'épiscopat à Liège de Robert de Thorote (1240-1246) et l'abbatiat à Gembloux de Jean de Brogne (1234-1250). Mais les paroissiens d'Ernage devaient encore se rendre dans l'église paroissiale de Gembloux deux fois par an, ainsi que pour la célébration des baptêmes.

Les revenus

En 1521, le pasteur d'Ernage était tenu à célébrer la messe les dimanches et une fois en semaine. A ces conditions, il disposait de revenus consistant en quatorze muids d'épeautre, auxquels s'ajoutait tout ce que lui procuraient des terres, des cens et des fondations de messes anniversaires.
De plus, l'autel Saint-Jean-Baptiste était pourvu de rapports annuels s'élevant à 5 muids d'épeautre. Le bénéficiaire avait à célébrer la messe une fois par semaine.
Enfin, l'abbaye de Gembloux fournissait au curé un traitement, consistant à la fin d' l'ancien régime en 400 florins. A la même époque, le curé de Cortil recevait 300 florins, ceux de Saint-Géry et de Sauvenière 500 florins. Ces variantes étaient dues aux avantages différents dont ces pasteurs jouissaient, surtout en raison des terres de la cure qu'ils louaient à leur profit.

Les dîmes

L'abbé bénédictin de Gembloux levait à Ernage la dîme. On accordait ce nom à la contribution obligatoire des paroissiens à l'exercice du culte. Elle correspondait en principe au dixième des récoltes. Aussi distinguait-on trois sortes de dîmes. La «grosse» se percevait sur les produits des champs. La «menue» concernait les fruits du jardin. Quant aux «novalles», elles s'étendaient aux nouvelles cultures.
Des fermiers - les dîmeurs - se chargeaient de leur perception. Ils fournissaient à l'abbaye une redevance fixe, déterminée dans un bail. Ils recevaient des assujettis un montants supérieur à la valeur du blé ou de l'argent donnée au décimateur.
Les premiers renseignements concernant les dîmes d'Ernage parvenus jusqu'à nous on trait à la période écoulée du 30 novembre 1458 au 29 novembre 1459. Le dîmeur était alors Jean de Mons, d'Ernage. Il devait livrer au monastère gembloutois quatre muids de froment, soixante muids de seigle et soixante muids d'avoine. En fait, il ne donna, outre les quatre muids de froment, que cinquante-six muids trois setiers de seigle et cinquante-deux muids trois setiers d'avoine.Il obtint du receveur du couvent que la fourniture du reste fût reportée à l'année suivante. On peut estimer que l'abbaye toucha de ce fait environ quarante-cinq livres. Une livre correspondait alors au salaire d'un artisan pendant dix jours.
En 1471, la dîme d'Ernage était levée par Jean Lemarchant et par Collar de Vaux-Ernage. Elle devait donner à l'abbaye de Gembloux, comme en 1459, quatre muids de froment, soixante muids de seigle et soixante muids d'avoine. S'y est ajoutée la livraison de quatorze muids de seigle, dus de l'année précédente. Par contre, il faut en retrancher vingt muids de seigle et treize muids d'avoine, dont l'acquittement à été reporté à l'année suivante.
Nous ignorons le motif de ces retards de paiement. Sans doute la récolte n'avait-elle pas été bonne ?
D'autre part, des comptes particuliers furent établis avec chacun des dîmeurs.
Jean Lemarchant ne s'acquitta pas d'une vieille dette de deux muids se seigle. Une fois de plus, il fallut en reporter le règlement à l'année suivante.
Une semblable concession fut accordée à Collar de Vaux-Ernage. On lui permit de ne livrer qu'en 1472 dix muids de seigle. On lui vendit trente muids de seigle à dix sols le muid. En 1472, on lui acheta un boeuf pour dix muids de seigle.
A la fin du XVe s., l'abbaye de Gembloux était tombée financièrement et moralement au plus bas. Les sept religieux qui y demeuraient encore avaient même songé à vendre leurs biens-fonds à Philippe le Beau et à convertir leur monastère en simple prieuré. Mais la situation fut sauvée par le chancelier de Brabant, Guillaume Stradiot. Vers cette époque, on trouve des Stradiots établis à Ernage.
Le nouvel abbé, Arnoul de Solbruecque (1502-1511), venu du Jardinet (Walcourt) avec douze de ses moines, redressa l'abbaye au spirituel et au temporel. Notamment, il récupéra dans Ernage des dîmes tombées en désuétude.
En 1760, l'abbaye de Gembloux employait à Ernage pour y lever la grosse dîme trois dîmeurs : Jean-Baptiste Destain, Charles Rawet et Antoinne Ipersiel. Les deux premiers donnaient quatre cents livres, le troisième quatre cent soixante-cinq. Jean Baptiste Destain était aussi fermier de la menue dîme, à raison de cent quarante livres à fournir au couvent. Les bénédictins gembloutois touchaient donc au total quatorze cent cinq livres. Si ce montant indique une nette augmentation de la population d'Ernage depuis trois siècles, il doit aussi être jugé en fonction de la dépréciation de la monnaie, dont la valeur était devenue cinq fois moindre qu'en 1459.

Les frais du culte

Le produit de la dîme n'était pas pour l'abbaye de Gembloux un bénéfice net. Il devait d'abord servir à couvrir les frais du culte. Il fallait le consacrer en priorité à l'entretien de l'église et du presbytère, ainsi qu'au traitement du curé. En 1459, il fut octroyé au curé d'Ernage 28 sols de rente sur le cortil (jardin) Kockerialmont. Vers 1700, il lui est laissé la jouissance de quatre bonniers de terre, exempts de dîmes. En 1759, sa «compétence», comme on disait alors, était de 355 florins (près de 650 frs-or). Cette somme fut portée à 500 florins à la fin de l'ancien régime.
En 1748, l'abbaye de Gembloux reconstruisit le presbytère d'Ernage, dont le coût fut de 449 florins. D'après la notice laissée à ce propos par l'abbé Eugène Gérard, elle entreprit cette tâche «par sentence provisoire». On doit entendre par là que, consécutivement sans plainte du curé, elle fut contrainte à cette dépense par le jugement préalable à la décision définitive du tribunal.

Les bornages des terres «décimables»

Aussi bien que la détermination des frontières d'une seigneurie, celle des limites des territoires sur lesquels un décimateur plutôt qu'un autre pouvait lever les dîmes donnaient lieu à des contestations. On procédait alors à des bornages.

La table des pauvres

L'abbaye de Gembloux avait également à sa charge l'assistance publique, appelée sous l'ancien régime la table des pauvres. A ce propos, elle affecta, sans doute au XV s., une rente de trois setiers et demi de seigle sur la cense Delvaux. (Le muid, de six setiers, valait alors de 8 à 12 1/2 sols).
Mais l'aumône, elle la pratiquait surtout à la porte même du couvent, où elle distribuait généreusement argent et vivres.

Le patronat

Le patron d'une église paroissiale ou d'un autre bénéfice à charge d'âmes était la personne physique ou morale (un prélat, un chapitre, un monastère, un prieuré ...) qui en était le curé primitif ou le curé en titre. Il percevait les fruits temporels de ce bénéfice. Mais il lui incombait une double obligation, celle tout d'abord de désigner le vicaire qui le remplacerait auprès des fidèles, celle ensuite d'assurer à ce prêtre une subsistance décente. Il présentait son élu à l'évêque pour que le pasteur de fait reçoive du chef diocésain la juridiction requise pour l'exercice de son ministère sacré. Au vicaire perpétuel, les paroissiens accordaient le titre de curé. Dans les actes officiels de l'abbaye de Gembloux, comme les comptes, il n'est pas nommé autrement. La «portion congrue» ou «compétence» de ces vicaires perpétuels varia très fort au cours des temps. Le concile de Trente, le pape Pie V, des synodes s'en occupèrent. Au XVIII s., on vit des curés rechercher l'appui de leurs paroissiens pour obtenir des décimateurs et des patrons de meilleures compétences. Le conseil de Brabant s'en mêla, alors que l'affaire relevait de l'évêque ou de l'official. C'est ainsi que le traitement minimal fut fixé à cent ducatons (355 florins), auquel s'ajoutait le casuel, c'est-à-dire les dons des fidèles au curé à l'occasion de certaines cérémonies religieuses, comme la célébration de messes d'enterrement ou d'anniversaire.
Au milieu du XVIII s., le curé d'Ernage jouissait, en plus des cent ducatons réglementaires, du produit de trois bonniers de terre. Vers 1755, il reçut un supplément de 50 florins. En 1775, tout comme ses confrères de Saint-Géry, de Cortil et de Sauvenière, il obtint une nouvelle augmentation, portant sa portion congrue à 500 florins, indépendamment des revenus des terres et du casuel.
L'abbé de Gembloux n'était pas seulement décimateur et patron à Ernage. Il l'était aussi à Chastre, à Cortil, à Gembloux, à Mont-Saint-Guibert, à Saint-Géry, à Sauvenière et à Tourpes (Hainaut). Dans cette dernière paroisse, il n'était pourtant qu'un des décimateurs.

Le recensement de 1786

L'empereur Joseph II (1765-1790), notre souverain, avait décidé la réorganisation des paroisses rurales de nos principautés. A cet effet, il fit rédiger, le 20 mai 1786, une ordonnance, demandant diverses informations aux gens de loi ou aux régents des villages et hameaux du pays. L'archiduchesse Marie-Christine et son époux, le prince royal Albert-Casimir de Saxe-Teschen, nos gouverneurs généraux, la publièrent le 25 mai. Les Ernageois s'empressèrent d'y répondre, le 29 mai. D'après leurs déclarations, leur localité, ressortissant de la terre (comté) de Gembloux, avait comme seigneur abbé du monastère bénédictin de cette ville. Elle contenait 474 habitants, y compris les enfants. Elle était constituée en paroisse, dirigée par un curé. La plupart de ses maisons étaient proches de l'église. Les plus éloignées ne s'en écartaient que d'un quart de lieue. Au surplus, les habitants de ces quartiers périphériques disposaient, pour se rendre au centre du culte, d'un chemin uni.

La confirmation de 1913

En 1913 survint à Ernage un événement d'ordre religieux exceptionnel. Mgr Th.-L Heylen, évêque de Namur (1899-1941), confirma dans l'église les enfants de la paroisse et ceux des alentours. Depuis quarante années, le village n'avait plus reçu la visite d'un pasteur diocésain !

Le congrès eucharistique de 1925

Ernage fut le centre du congrès eucharistique régional en 1925. A cette occasion, la localité fut abondamment pavoisée. Plus de deux cents arcs de fleurs et de verdure y avaient été érigés. Ils émerveillèrent les deux mille participants à cette cérémonie, qui y virent un témoignage de la foi des paroissiens.


III. L'ART

L'église

L'église paroissiale Saint-Barthélemy est construite en brique et en pierre bleue. Elle date des XVIII et XIX s., sauf la tour, beaucoup plus ancienne.
La tour romane, en grès schisteux, est située à l'Ouest. Elle a été bâtie aux XI et XII s. De plan carré, elle comporte trois niveaux. Elle présente des faces externes légèrement inclinées. Dépourvue d'ornementation, elle est sommée d'une flèche à huit pans. Son rez-de-chaussée est couvert d'un plafond plat. Il communique avec la grand nef : l'arcade en plein cintre empiète sur le premier étage. Ce niveau est éclairé dans la façade occidentale par un oeil-de-boeuf, de 1905. Quant à la partie supérieure, elle est munie de quatre abat-vent aux lamelles obliques.
La porche d'entrée a été aménagé dans le mur occidental. Il est en pierre bleue, à linteau droit. On l'a muni d'un lamier. Il date du XIX s.
Les trois nefs, de style classique, sont du dernier quart du XVIII s. Elles comportent six travées, dont trois du XIX s.. Les colonnes se trouvent enrichies d'un entablement. Elles supportent des plafonds plats. Les fenêtres, bombées, possèdent une clé.
Cependant, l'édifice primitif était peu élevé et ne présentait qu'un seul vaisseau.
Le choeur et la sacristie ont été construits en 1827. A l'abside se distinguent trois pans. La toiture est à bâtière.
A l'autel majeur, la table est en bois marbré ; le tabernacle avec le trône d'exposition en bois peint partiellement doré date des environs de 1838. De la même époque sont les autels latéraux, ornés de bustes. Ces sculptures en bois couvert par endroit de dorure évoquent, au Nord, saine Marie-Madeleine, au Sud, saint Pierre. Les lambris du choeur et de la nef, les confessionnaux et le jubé sont en chêne. Maçonnés dans l'annexe Sud-Ouest, les anciens fonts baptismaux, dont la cuve en laiton pourrait dater de la fin du XVIII s., ont été désaffectés. Les nouveaux furent placés dans l'église en 1943.
Une statue de saint Barthélemy, en chêne verni, mesure 77 cm de haut. Trois dalles funéraires rappellent le souvenir de curés de la paroisse. On a repeint l'intérieur de l'édifice en 1929. L'ensemble a été restauré en 1960. A cette occasion, les abords ont été aménagés.
Parmi les objets du culte, on admire un calice en argent (XVIII s.) et un autre en métal doré (XIX s.), trois ciboires, un encensoir en argent, un ostensoir-soleil en argent partiellement doré (1729) et un autre (milieu du XIX s.)
Un ostensoir-soleil de 1729, en argent partiellement doré, un autre du milieu du XIX s. L'intérieur de l'église avait été repeint en 1929. L'édifice tout entier a été restauré en 1960. Les abords furent aménagés à cette occasion.
Le 28 juillet 1943, les Allemands enlevèrent à leur profit la grosse cloche de la paroisse, pesant 530 kilos et dédiée à la Vierge Marie. Ce petit bourdon a été remplacé le 3 juin 1953. L'autre cloche, datant de 1822, était demeurée en place. On lui fit, en 1953, opérer un quart de tour, pour éviter que la paroi ne soit creusée d'avantage au même endroit.

Les chapelles

Située sur l'ancienne route de Gembloux à Bruxelles, la chapelle
du Vieux Bon Dieu de Gembloux est privée de sa statue. Une chapelle dédiée à Saint François Xavier s'élevait jadis près de la ligne de chemin de fer du côté de Sart Ernage. Elle a été démolie.

Les fermes

Parmi les grandes et belles fermes d'Ernage, deux méritent une mention spéciale en raison de l'antiquité de certains de leurs bâtiments.
-La ferme du Sart est une ancienne propriété de l'abbaye de Gembloux. Elle occupe un vaste quadrilatère en pleine campagne. Construite en brique et en pierre bleue, elle a gardé des dépendances du XVIII s. La grange, dont le portail méridional fait pendant à celui du porche, offre le millésime 1759 et les armes du monastère. Les étables, occupant la partie méridionale, possèdent des voûtes d'arêtes. Le corps de logis et d'autres bâtisses ont été reconstruits au XIX ou au XX s.
-La ferme des Champs est située au n° 170 de la chaussée de Wavre. Ses bâtiments en brique et en pierre bleue entourent une ample cour carrée. Le corps de logis, de la fin du XVIII s., garde des éléments du début de ce siècle. La grange a aussi été construite au début du XVIII s. et remaniée au déclin de cette époque. L'ensemble a subi des transformations et des agrandissements au XX s. siècle.